mardi 24 mai 2011

"Séparations et retrouvailles" Debriefing tardif


Il y a six mois maintenant, j’ai assisté à une réunion Pikler spécifique aux assistantes maternelles qui avait pour thème « séparations et retrouvailles ». J’en avais fait un compte-rendu que je vous invite à lire si ce n’est déjà fait, afin que vous sachiez de quoi je parle.

Je m’étais dit qu’il fallait que je raconte plus précisément ce que j’en avais retiré et ce que cela avait changé dans mon quotidien. Exercice difficile, car il s’agit d’être plus concret et plus personnel tout en respectant le secret professionnel. Pour faire simple la difficulté réside dans le fait de ne pas confondre blog et journal intime. Je resterai donc dans le général ("toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. " ou pas) tout en apportant quelques précisions sur ce qui m’avait marquée dans cette soirée. 


Pour être précise, je vais me limiter à une partie de la réunion qui traitait des retrouvailles et des séparations quotidiennes. Pour être encore plus précise, je vais surtout parler des départs du soir qui posent très souvent un réel problème.

Si vous êtes assistantes maternelles, inutile de vous décrire le tableau, vous le connaissez par cœur : le loupiot qui a été un ange toute la journée et qui au moment de l’arrivée de papa/maman se transforme en diable capable de vous démonter la maison en moins de deux !!

Pour tout vous dire, ce qui m’a le plus fait réfléchir lors de cette réunion ce n’est pas ce que j’ai entendu sur le sujet mais justement ce que je n’ai pas entendu.

La phrase a besoin d’être éclaircie hein ? Je m’explique. En me rendant à cette réunion, je pensais naïvement qu’on allait parler « passation de pouvoir ». Or, il n’en a pas été question.  De ce que je me rappelais de ma formation et d’après ce que j’avais pu lire sur les forums que j’ai parcourus, le problème était censé venir essentiellement du fait que l’enfant, au moment de l’arrivée des parents, ne savait plus de qui venait l’autorité. Il sait que chez nounou, c’est elle qui établit les règles. Il sait très bien aussi qu’à la maison ce sont ses parents qui « commandent ». Il a très bien compris que les us et coutumes peuvent diverger dans les deux camps et il va donc chercher à tester qui va prendre le dessus entre sa nounou et papa/maman. Bon dit comme cela, c’est un peu caricatural mais c’est en substance ce qu’on peut lire sur le sujet non ? 

Oui on nous dit aussi que le petit enfant n’a pas la même notion du temps que nous et que ça peut donc être difficile pour lui mais très souvent on se borne à cette question d’autorité, comme si l’enfant prenait un malin plaisir à nous déstabiliser exprès. On nous dit aussi que souvent à ce moment là, les parents n’osent rien dire puisqu’ils ne sont pas chez eux et que nous-mêmes, nous restons sur nos gardes de peur d’être jugées par nos employeurs, que le petit s’en rend compte et qu’il profite de la situation. 

J’ai « gobé » cela sans réfléchir pendant longtemps. Après la réunion et parce que le sujet a été abordé par un tout autre axe, j’ai pris conscience qu’il y avait peut être une autre façon de voir les choses. Parce que finalement en y repensant on croirait entendre parler Houellebecq : 

« L’enfant est une sorte de nain vicieux, d’une cruauté innée, chez qui se retrouvent immédiatement les pires traits de l’espèce, et dont les animaux domestiques se détournent avec une sage prudence ». 

Pourquoi l’enfant ferait-il cela exprès. Ne peut-on pas imaginer qu’il agit comme cela parce qu’il ne peut pas faire autrement ? Parce que cela provoque en lui un malaise, un trop plein d’émotions qu’il n’arrive pas à gérer et qu’il manifeste de cette façon. Ne doit-on pas plutôt s’interroger sur ce qu’il ressent plutôt que de chercher qui va gagner dans la grande bagarre Nounou/parents/bébé !! 

Je vais donner un exemple concret : j’ai un gnome qui au moment de partir me demande souvent de mettre le jeu avec lequel il jouait en hauteur, le rendant ainsi inaccessible aux autres enfants. J’étais au départ persuadée qu’il faisait cela par jalousie et par égocentrisme, qu’il ne voulait pas que les autres enfants s’en servent. C’était « son » jeu et il ne voulait pas le prêter !! Souvent je refusais en disant qu’ici, les jeux étaient à tout le monde et que les autres enfants voulaient peut être aussi y jouer. Il ne m’était pas venu à l’idée que c’était peut être une façon pour lui de se rassurer. Était-il certain de revenir le lendemain ? Était-il sûr de l’affection que je lui portais. N’était-ce pas simplement le moyen qu’il avait trouvé pour continuer d’exister à mes yeux après son départ ? Peut-être était-il effectivement jaloux du plaisir que le petit copain prendrait sans lui avec ce jeu. Bref je me suis mise à considérer le message différemment. Par son acte, le petit ne me disait plus « C’est moi le roi » mais juste « c’est difficile de partir ». J’accède donc désormais à sa requête sans avoir l’impression d’avoir perdu la bataille (je dis ça pour les personnes pas encore convaincues qui pourraient dire « ben voila : il a gagné » !!!)

Depuis la réunion, j’ai aussi pris conscience que j’étais peut être un peu expéditive au moment du départ, les enfants ayant besoin de temps pour s’adapter à la situation. Je me suis finalement aperçue que lorsqu’un enfant commence à « partir en live » refusant le départ par exemple, l’autorité était moins efficace que la patience et la compassion. Se mettre au niveau de l’enfant pour lui parler le plus doucement possible ( presque en murmurant) de ce que l’on fera le lendemain, lui laisser le temps de digérer l’information en silence simplement en le regardant avec empathie s’avère beaucoup plus persuasif et rapide  que d’ordonner le départ ! Souvent l’enfant a simplement besoin d’être rassuré. En fait, j’ai abandonné Houellebecq pour me tourner vers Jean Liedloff  qui dans son livre le concept du continuum, écrit :  

« Un enfant naît naturellement bon, sociable, serviable, et s'attend à être traité comme tel ». 

Au final, je ne sais pas qui des deux a raison. La seule chose dont je suis persuadée, c’est qu’en considérant l’enfant comme un potentiel démon, il finit par se conformer à nos pensées et par le devenir. 




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